La Bulgarie est un état assez méconnu – pour ne pas dire méprisé – de notre côté du continent, à l’histoire pourtant riche, et aux paysages variés et enchanteurs. Gouvernée d’une main de fer par les communistes de la fin de la seconde guerre mondiale à la chute du mur de Berlin en 1989, le pays fut un temps considéré par ses propres habitants comme la 13ème république soviétique, plus communiste encore que la Russie et les états de l’URSS. Et pour cause, Georgi Dimitrov, premier chef du gouvernement de la République Populaire de Bulgarie de 1946 à 1949 était un puriste de l’idéologie communiste et proche ami de Joseph Stalin, surtout connu pour avoir été l’un des communistes les plus influents de cette période – il fut après tout secrétaire général du Komintern de 1934 à 1943, année de sa dissolution.
C’est pendant son court mais impactant passage au sommet de l’état Bulgare que fut créé ce qui est aujourd’hui le plus ancien tour operator Bulgare, Balkantourist (Балкантурист). Fondée par le ministère des voies ferrées, l’entreprise est, de sa création en 1948 à la fin du régime communiste, un monopole d’état ; elle sera privatisée en 1995. On lui doit notamment le développement de la côte de la mer noire Bulgare avec la création de stations balnéaires telles que Golden Sands et Sunny Beach, qui attiraient alors – et attirent toujours – beaucoup de touristes des pays environnants (Serbie, Macédoine, Roumanie ou encore Russie). Mais ce qui nous intéresse très précisément ici, c’est que Balkantourist faisait également dans le tourisme culturel, d’où l’importance de nourrir les traditions bulgares, voir même de leur donner un petit coup de pouce en créant certaines choses de toutes pièces. Cela touchait également à la cuisine, une équipe de chefs travaillant spécifiquement à créer des plats « traditionnels », en majorité des salades. Si la plupart d’entre elles ne sont de nos jours plus cuisinées (salade Dobrujan, Macédoine, Thrace, …), il en est une qui au contraire est devenue le plat le plus répandu et le plus connu d’Europe de l’est : la Shopska Salata, dont il est ici question.
Pourquoi ce petit cours d’histoire en préambule d’une recette de cuisine ? D’une part parce que la recette est tellement simple et courte qu’elle tiendrait sur un post-it, mais également parce qu’il s’agit d’un pan important de la culture des balkans et de l’Europe centrale, à laquelle je m’interesse pour avoir été plusieurs fois dans cette région du monde. Ainsi, cette salade est également considéré par les Serbes et les Macédoniens comme un plat national, et on la retrouve largement en Bosnie, Croatie, Roumanie, République Tchèque, Pologne, Albanie et Hongrie. Son nom provient de la région du Shopluk, qui se situe en grande partie en Bulgarie mais est à cheval sur la Macédoine et la Serbie, ce qui explique la bataille entre les chef de ces pays pour la paternité de la recette. Après sa création par les cuisiniers travaillant pour Balkantourist au début des années 60, la Shopska Salata s’est rapidement diffusée dans les restaurants du pays en s’imposant directement comme le symbole culinaire de la Bulgarie. Et pour cause, ce plat n’utilise que des ingrédients rouge, verts et blanc, couleurs du drapeau Bulgare. On y retrouve ainsi de la tomate, des oignons, du poivron et du Sirene (à prononcer « siréné »), un fromage typiquement bulgare proche de la Feta, bien que beaucoup moins sec et moins acide. C’est parti pour la recette !
Temps de préparation : 10 à 15 minutes
Ingrédients (pour 2 personnes) :
– 2 tomates moyennes de type coeur de boeuf (ou une énorme)
– 1 poivron rouge
– 1 concombre
– 2 oignons blancs (ou un petit oignon jaune le plus blanc possible)
– 100g de Sirene (qui peut être substitué par de la Fêta, ou du Beyaz Peynir turc)
– de l’huile de tournesol
– du vinaigre de cidre
– du sel (au besoin)
– du poivre
Avant toutes choses, la liste ci-dessus peut être largement ignorée. Comprenez par là que l’important c’est les ingrédients et leur qualité, la quantité dépendant totalement de vos goûts et affinités. De plus, je vous conseille vraiment de n’utiliser, dans la mesure du possible, que des ingrédients ultra-frais et ayant poussé en jardin ou étant achetés sur un marché. Cette salade est si simple qu’elle repose quasiment entièrement sur la fraîcheur de ses éléments, ainsi que sur la fraîche de sa fabrication – faites donc en sorte de la préparer juste avant de la manger. Enfin, petit tip pour vos légumes : lavez-les avec du bicarbonate de soude, surtout si vous ne les épluchez/pelez pas (vous pouvez également laver des légumes et fruits plus fragiles en les laissant tremper dans un volume d’eau avec une cuillère à café de bicarbonate de soude). Le bicarbonate va agir comme un détergent naturel et dissoudre la saleté et la poussière présente sur les fruits et légumes, retirant dans le même temps bactéries et pesticides. Un fois rincés, ils seront propre à la consommation.
Sortez un saladier.
Attrapez les tomates et coupez-les en morceaux d’environ 1cm d’épaisseur. Par exemple pour une tomate de taille classique, la couper en deux horizontalement, puis couper en huit. Jetez dans le saladier.
Ensuite, occupez-vous des poivrons : coupez-les en deux, retirez les pépins et les parties blanches, puis découpez-les de travers en fine lamelles de 2 à 4 millimètres d’épaisseur. Jetez dans le saladier.
Au tour du concombre : coupez-le en tronçons de 1cm, puis coupez-les en quartiers. Jetez dans le saladier.
Saisissez les oignons, et émincez-les à votre convenance ; plus vous les émincerez finement, moins vous en sentirez le goût dans la salade. Jetez dans le saladier.
Mettez le saladier au frigo quelques minutes, et pendant ce temps râpez le fromage avec une rape épaisse ; je vous conseille d’utiliser un robot pour le faire. Si vous n’en avez pas, vous pouvez également émietter finement le fromage. Sortez le saladier du frigo, et choisissez votre camp : saupoudrer le fromage sans mélanger la salade et le faire avant de servir, ou mélanger la salade, saupoudrer le fromage et la remélanger avant de servir. C’est une question de préférence, de goût et d’esthétique. Quoi qu’il en soit, pour déterminer s’il faut ajouter du sel dans le saladier, goûtez le fromage. En fonction de celui que vous aurez trouvé (plus ou moins par défaut), il faudra ou non en mettre plus. Servez et laissez l’huile (de tournesol, interdiction d’utiliser de l’huile d’olive !), le vinaigre et le poivre à disposition des convives.
Notez que, traditionnellement, la Shopska Salata se consomme en entrée et accompagnée Rakia, l’eau de vie des balkans (entre 40% et 70% suivant les productions).